Du 1 au 11 septembre dernier, Pablo Ceto, de Fundamaya, a organisé la rencontre de délégués
colombiens[1]
et des autorités ancestrales du territoire des Ixil (département du Quiche,
Guatemala). Cette rencontre s’est faite en trois temps : une visite des
territoires, une réunion à Aq’ul, des sessions au parlement guatémaltèque. Denis Blamont a participé à cette rencontre en tant que membre du comité technique de l'APMM.
Le territoire (triangle) des Ixil a subi la plus féroce et
meurtrière des répressions (massacres, destruction de toutes les maisons…) lors
de la guerre civile des années 80 et 90. L’ampleur des exactions (villages
entièrement détruits, populations massacrées) permet de parler de génocide.
Le lien entre les participants guatémaltèques et colombiens
est l’entreprise multinationale ENEL qui réalise dans le pays ixil et dans la
région du Quimbo colombien des projets hydroélectriques. Les objectifs de cette
rencontre étaient ainsi :
- « des échanges avec les visiteurs colombiens à propos
de la défense du territoire, du respect intérieur et extérieur des autorités
ancestrales. »
- « Lutter contre l’inertie actuelle des populations
indigènes, au contraire des luttes très engagées des anciens, et pour
l’inclusion de toutes les franges de la population dans l’action pour l’avenir
de la communauté. »
Dans ces deux régions on trouve les mêmes ingrédients :
-
une partie des territoires des autochtones a été
spoliée au profit de fincas (latifundias) ;
-
l’état vend à une multinationale une autre
partie du territoire et ses ressources hydriques et énergétiques à ENEL (dans
le cas ixil, c’est même une finca qui est à l’origine du projet : le
propriétaire trouvant la production d’électricité plus rentable que celle de
café) ;
-
l’état, au lieu de protéger les populations,
qu’il est censé représenter, leur impose, par la criminalisation et la force
armée (le président actuel du Guatemala est celui qui commandait la répression
des Ixil pendant la guerre civile), le respect des accords que lui et le
propriétaire de la finca ont signés avec l’entreprise ENEL sans aucune
consultation, sans parler, bien sûr, d’un accord, avec les habitants des
territoires concernés.
-
La base légale de la lutte de ceux-ci est, entre
autres, la convention 169 de l’OIT, signée par les deux états, qui stipule
cette consultation et cet accord.
-
Ne sont, donc, respectés ni les traités
internationaux, ni les lois des états ni même leurs constitutions.
-
On sent la corruption, ou la menace et la contrainte,
partout présentes, et à tous les niveaux, y compris celui des élus locaux
(ajoutons, dans le cas des Ixil du Guatemala, des conflits entre un maire élu
et des autorités ancestrales désignées selon un tout autre mode).
-
Les dégâts sur la faune, la flore et les
populations et leurs territoires ne sont pas pris en compte, encore moins
réparés ou indemnisés.
-
Il n’y a aucune retombée positive pour les
populations autochtones (emplois qualifiés, vente de produits alimentaires,
nouvelles activités). Souvent même pas l’électricité, toujours de mauvaise
qualité (voltage fluctuant, coupures).
-
Les habitants des pays Ixil et du Quimbo
réclament :
o 1). soit,
pour les Ixil, une véritable négociation respectueuse de leurs droits
ancestraux sur les territoires concernés (y compris ceux des fincas) et de
leurs modalités propres de prise de décision (en particulier, des négociations
publiques et transparentes). Pour voir le rapport présentant la requête de la communauté à ENEL, cliquer ici, et pour voir la réponse d'ENEL cliquer ici ; 2) soit, pour El Quimbo, le départ de ENEL.
o une
indemnisation des victimes des chantiers (deux morts ixil) et de tous les
dégâts causés sur une base territoriale et communautaire et non individuelle,
comme prétend l’imposer ENEL
· Les 7 et 8
septembre, une réunion a été organisée dans le village “modèle”[2]
de Aq’ul, de la municipalité de Nebaj, en pays ixil. Y participaient les
autorités ancestrales ixil et le maire élu et son conseil, les visiteurs
colombiens, deux représentants de l’ONU et deux représentantes d’une ONG
espagnole et Benito Maria, de AVSF-CICDA, ainsi que Denis Blamont. Les débats ont
tourné autour d’ENEL, bien évidemment, et des spoliations diverses dans les
deux pays mais aussi, le 7, du conflit entre le maire actuel et son
prédécesseur, qui conteste le résultat des dernières élections, ayant, ainsi,
conservé par devers lui les bâtons d’autorité. Les principaux résultats des
discussions du 6 ont été repris le 7 dans la déclaration d’Aq’ul puis la
déclaration de Guatemala.
Les 10 et
11, trois sessions au Parlement guatémaltèque, dont une de questions au
gouvernement :
- le 10, au matin : discussion publique sur les droits des peuples indigènes et la convention 169 de l’OIE. Le député Hamilcar Pop, très engagé, lui aussi, et virulent, résume le défi ainsi : il faut « passer d’objet d’étude et de commisération à celui de sujet de droit ». Il faut que les ministères respectent les lois et les droits des populations.
- le 10, après-midi : questions publiques au gouvernement. Les questions, posées par le député Mejia, portaient sur des projets miniers et le projet ENEL, et la violation par les différents ministères et ENEL des lois guatémaltèques sur les droits des peuples autochtones, de la constitution et des traités internationaux. Les représentants du gouvernement venus sans avoir préparé les réponses furent surpris par le nombre et la qualité des assistants et ridiculisés par les députés Pop et Mejia. Un spectacle politicien sans doute stérile quant à son résultat immédiat mais très certainement réjouissant et roboratif pour les Ixil présents.
- le 11, discussion plus précise sur les projets ENEL au Guatemala et en Colombie. Ont aussi été évoqués le cas du Val de Suze, où ENEL sévit également, le cas du Sikkim, présenté en détail à Oloron par Tseten Lepcha et qui avait fait l'objet d’une motion présentée à l'UNESCO et, en contre-exemple, le cas pyrénéen (en particulier le rôle de l’état, garant des intérêts des populations, et les retombées locales de ce genre de projet), qui avait retenu l’attention de Pablo Ceto à Oloron.
À ces trois sessions, la presse avait été conviée. Le 10,
jour sans séance parlementaire, elle était bien là et le journal télévisé a
fait assez longuement écho aux discussions mais, le 11, jour de séance et de
remise de maillots de football à l’équipe nationale, on ne l’a pas vue.
Lire le rapport de ces recontres rédigé par Pablo Ceto: Objetos o sujetos de derechos?
[1]
Des représentants des Pastos, le sénateur Herman Carlósama López,
également venu à Oloron et Miller Armin Dussan Calderón, professeur
d’université, représentant l’association Asoquimbo
[2]
c'est-à-dire reconstruit de toutes pièces par les autorités centrales dans un
site concentré pour faciliter le contrôle des populations.
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